Mercredi le 3 octobre
Il fait un temps radieux, une véritable journée d’été avec des températures au-dessus de 20o
Je suis arrivé assez tard à la conférence de Denis Lanteigne (Champ d’expression : Appropriation artistique de l’espace dans une petite communauté) mais comme je connais assez bien son travail et que nous en avons beaucoup parlé je peux témoigner de son enthousiasme et de sa passion pour le domaine des arts visuels mais principalement du travail d’animateur qu’il fait à Caraquet en sa qualité de directeur de la Galerie Bernard Jean, auprès de l’AAAPNB ou du Conseil des arts du Nouveau-Brunswick. Je suis arrivé au moment où il montrait son dernier travail qui consiste à utiliser la surface réfléchissante de CD comme miroir pour produire une installation visible de la route. À cet effet il montre des images et des vidéos qui rendent compte de l’aspect cinétique de ce travail. Ceci me ramène à la citation de Barthes utilisé plus tôt cette semaine à l’effet que la nature n’est plus pour nous qu’un paysage aperçu de la vitre d’une automobile en mouvement. Peut-être qu’il faudrait explorer cette dimension car, vivant dans un pays reconnu pour ses vastes étendues (vides), nous passons une grande partie de notre temps à nous déplacer au moyen de cet engin véritable obsession dans notre désir d’accélération qui ne semble pas en voie de diminuer. L’effet lumineux que génère l’oeuvre de Denis est assez intense mais produit aussi des effets de couleurs qui existent déjà dans la constitution même des CD, ces objets principalement dévoués à l’expression musicale.
Denis Lanteigne est l’unique Acadien à faire partie de ces conférences. Dans la période de questions qui a suivie il a fait part de la relation nord-sud, une relation qui est sans doute très particulière en raison de la constitution même de la population qu’on retrouve dans ces deux régions. Le nord ayant sans doute une volonté de s’affirmer en français le sud étant peut-être plus conciliant en ce qui a trait aux rapports linguistiques qui ne comptent pas vraiment en ce qui a trait aux arts visuels qui, par définition, échappent à ces considérations. La ville de Caraquet a été la première au Nouveau-Brunswick à se doter d’une politique culturelle et à investir en conséquence. Ceci a donné lieu à de nombreuses manifestations qui ont fait de Caraquet un centre important de la culture acadienne. Moncton plus cosmopolite en raison de l’Université ne bénéficie pas d’un public et d’une volonté culturelle aussi affirmée que celle que l’on retrouve à Caraquet. C’est un peu à ces deux dimensions que Denis voulait sans doute faire allusion. Tout de même dans ces deux visions qui se sont souvent opposées, il semble y avoir une volonté de rapprochement et de compréhension dont Denis Lanteigne est sans doute un élément important. C’est sans aucun doute une histoire à suivre.
La deuxième partie de cette conférence, celle de Danyèle Alain, avait pour titre «Champs d’intérêt : infiltrer, habiter, spéculer» et portait principalement sur le travail qu’elle effectue avec le 3e Impérial, un centre d’essai en art actuel situé à Granby et avec lequel elle est associée depuis une vingtaine d’années. Les travaux, souvent effectués au cours ou suite à de longues réflexions, rencontres, gestations consistent à infiltrer le milieu ambiant, urbain ou autre, pour y effectuer des oeuvres qui saisissent, confrontent, interpèlent ou intriguent le spectateur. La question du contexte y est souvent centrale car la plupart de ces travaux ne pourraient exister dans le contexte de la galerie d’art. D’ailleurs ce n’est assurément pas le but de l’entreprise.
Au cours de son existence le 3e Impérial a accueilli quantité d’artistes mais toujours dans le but de produire des oeuvres dont la dimension publique ne fait aucun doute au sens où beaucoup de ces travaux visent à élargir la perception et l’intégration du public à l’art contemporain. Plusieurs de ces oeuvres sont axées sur la participation du public et c’est un peu ce que fait Danyèle Alain dans la 3e version du symposium d’art nature de Moncton au moyen d’une roulotte qu’elle a déplacé sur les lieux et à l’intérieure de laquelle elle convie le public à la rencontrer pour prendre un breuvage d’herbes de sa fabrication. Son action portera sur trois lieux bien définis soit sa maison à Roxton Pond, au Témiscouata dans un refuge forestier et à Moncton sur les lieux du parc écologique où se déroule le symposium. Ces diverses actions ont pour but de sensibiliser le public à une poétique du paysage que l’on peut ingurgiter ou vivre par procuration, ce qui nous rend encore plus conscient du fait que l’art est une activité qui s’adresse à tous les sens et non pas uniquement à la vue comme on le croit généralement.